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Huitième chronique de Pascal Sabourin

Huitième chronique de Pascal Sabourin

 
 
Qui dit mercredi dit chronique de Pascal Sabourin évidemment ! Bonne lecture !
 
 
Notes de lecture (2). Nouvelle histoire de la Shoah (dirigé par A. Bande, P.J. Biscarat et O. Laleu), Passés/Composés, 2020
 
P1130909 corrigé
 
 
    « Notre génération est celle de ''Holocauste'', du ''Sac de billes'', de ''Shoah'' de Claude Lanzmann, du procès Barbie, du « point de détail », du massacre de Srebrenica, du génocide des Tutsis au Rwanda, de l'inauguration de la Maison d'Izieu le 24 avril 1994, du discours de Jacques Chirac le 16 juillet, des procès Papon et Touvier, de l'inauguration du Mémorial de la Shoah le 27 avril 2005 » , notent l'équipe directoriale dans l'introduction. C'est aussi la mienne, oserais-je ajouter...
 
    L'appréhension de cet événement essentiel du XXème siècle, si tant est que l'inimaginable puisse être appréhendé, a beaucoup évolué au cours des dernières décennies. Qu'avais-je appris au lycée , au milieu des années1970 ? L'horreur du régime nazi, les camps, les massacres, la détermination insensée des résistants, ces héros de notre temps que l'on conviait volontiers devant nous, élèves. Certes, le Juif constituaient une cible particulière … au milieu des autres. Rien sur les bancs de l'Université, puisque son enseignement (certes, de belle qualités), atomisait le savoir historique en fonction de questions souvent très particulières et sacrifiait volontiers immondes les grandes synthèses – et la Shoah ne relevait ni de l'une ni de l'autre. Les manuels scolaires des classes de Lycée des années 1980, insistaient, bien sûr, sur la barbarie nazie, la collaboration de Vichy, les forces de résistances, en noyant la spécificité génocidaire dans l'ensemble – aucune distinction claire, par exemple, entre « camps de concentration » et « camps d'extermination » (plus judicieusement appelés ultérieurement « centres de mise à mort ») et cela pendant une paire de décennies. Et puis a peu à peu émergé, avec le mot, la spécificité de la Shoah … Des lectures personnelles ont alors permis, fort heureusement, de compléter et d'approfondir auprès des grand(e)s élèves le contenu de leurs bouquins, notamment au niveau local. L'inscription à un voyage à Auschwitz organisé conjointement par les autorités rectorales et le Mémorial de la Shoah a été le déclencheur d'une action lycéenne d'ampleur menée avec la section littéraire ; le résultats, trois déplacements en Pologne, des actions ponctuelles de ''sensibilisation'', un rapprochement avec Monsieur Jean-Emile Andreux, l'homme du Judenlager des Mazures, un mini-colloque tenu au sein du Lycée (merci à Anne, Marie-France Barbe, Philippe Leclerc et d'autres). Et toujours avec cet attachement quasi-obsessionnel de transmettre, sans doute avec maladresses, mais transmettre aux jeunes. Pourquoi évoquer ces souvenirs ? Parce que ce cheminement personnel qui s'est imposé me semble néanmoins révélateur de l'évolution énorme intervenue en milieu scolaire au cours d'une carrière d'enseignant ; et beaucoup de collègues aujourd'hui retraités la partagent sans doute !
« Cette Nouvelle histoire de la Shoah se veut un outil utile à tous ceux qui souhaitent approfondir leurs connaissances et les partager » Aujourd'hui plus que jamais, à un moment où le révisionnisme pointe sa truffe immonde. Les 20 chapitres, pris en charge chacun par un spécialiste du sujet abordé et accompagnés d'une bibliographie spécifique, sont regroupés en quatre parties : « I - Origines, étapes et géographie du processus » - avec un chapitre ''découverte'' consacré au « sauvetage des Juifs dans les territoires soviétiques » ; « II – La Shoah en France » ; « III – Enjeux mémoriels et éducatifs » ; « IV -Question sensibles » (notamment sur la légitimité de « comparer les génocides »)
 
    Il n'est pas possible de reprendre, on s'en doute, les informations les plus marquantes. Choix (foncièrement ) personnel :
 
1. L'Action T 4, défini comme « le meurtre de masse centralisé, par déportation vers un point central pour y être gazé immédiatement après » a été « la base pratique et pragmatique du judéocide au sein du Gouvernement général » (J. Puttemans)
 
2. La conférence de Wannsee du 20 janvier 1942, considéré jadis comme le point de départ de l'extermination des Juis, puis dont l'importance a pu être un peu relativisé, retrouve ici son importance fondamentale puisqu'elle lance « l'ensemble des politiques de destruction initiés à travers l'Europe se trouvent coordonnés pour n'en former plus qu'une seule qui deviendra LA ''Solution finale de la question juive'' » (T. Bruttmann)
 
3. L'originalité du centre de mise à mort d'Auschwitz articulé autour de deux spécificités principale :
◦ la création des Krematorien , des bâtiments qui réunissent « dans un souci de rationalisation » chambres de gaz et fours crématoires (j'ajouterais salles de déshabillage)
◦ la sélection à l'arrivée, c'est-à-dire le prélevement au sein des Juifs déportés et destinés à l'extermination une part plus ou moins conséquente de main-d'oeuvre en sursis afin de remplacer sur les lieux de travail les prisonniers soviétiques morts en trop grand nombre (T. Bruttmann)
 
4. Et la France ? L. Joly rappelle qu' « en dépit des multiples obstacles et cas de désobéïssance, la machine de destruction a été régulièrement alimenté – et ce jusqu'à l'extrême fin de l'occupation. » En clair, « si, en 1942, Laval et Bousquet n'avaient pas mis toute la puissance de l'Etat au service des opérations anti-juives, le bilan de la Shoah en France aurait été moins élevé – et la faute morale de Vichy moins lourde ».
 
5. Quant aux voyages de mémoire, « Face à la force des lieux, tout en admettant et en canalisant l'émotion qu'ils peuvent provoquer, seule une approche factuelle permet de susciter une intense réflexion » (A. Bande et P.J. Biscarat). Cela signifie, notamment, de prendre le temps, en dehors des rigides programmes scolaires, de poser les choses avec les élèves …
 
    Pour rappel, la Shoah a durement frappé l'espace ardennais . Quelques accrochages de sa mémoire , ici et là. Judenlager des Mazures, monuments commémoratifs des Juifs de la WOL … Notons la différence de formulation des inscriptions, jamais anodines .. Et reportons-nous aux beaux travaux de Mme Dollard-Leplomb , de feu Jean-Emile Andreux, d'Anne François (WOL), de Philippe Lecler et de Philippe Moyen , de Marie-France Barbe ...
 
 
Bulson
 
Commune de Bulson
 
 
 
Judenlager des Mazures
 
Judenlager des Mazures
 
 
Champigneul
 
Commune de Champigneul
 
 
 
Puilly
 
Commune de Puilly
 
 
 
Tétaigne
 
Commune de Tétaigne
 
 
Photographies : Pascal Sabourin